Constant Mutamba est-il impliqué dans un détournement de près de 40 millions de dollars destinés à désengorger les prisons congolaises ? Le mystère demeure. Mais un fait est certain : la justice congolaise prend ces soupçons très au sérieux.
À la surprise générale – une première depuis des décennies – un membre du gouvernement, et non des moindres puisqu’il s’agit du ministre d’État, ministre de la Justice, se retrouve sous pression des Cours et Tribunaux.
En effet, le Procureur général près la Cour de cassation a officiellement saisi l’Assemblée nationale afin qu’elle lève les immunités du jeune ministre, permettant ainsi l’ouverture d’éventuelles poursuites ou, à tout le moins, d’enquêtes pour élucider cette affaire très médiatisée de détournement présumé de 39 millions de dollars.
Mutamba rattrapé par « l’odeur du détournement »
Il y a peu, fidèle à son style provocateur, Constant Mutamba n’avait pas hésité à faire une déclaration embarrassante en présence de la Première ministre Judith Suminwa. Évoquant une collecte de fonds destinés aux militaires au front, le ministre insinuait qu’il sentait « l’odeur du détournement », appelant à la vigilance sur la traçabilité des fonds pour éviter toute malversation.
Visiblement choquée par ces propos, Judith Suminwa avait répliqué sur le champ, assurant qu’elle était une femme digne, jamais impliquée dans aucun dossier mafieux ou de détournement de fonds publics.
Aujourd’hui, c’est pourtant sur le même Constant Mutamba que pèsent de lourds soupçons. Comme le dit l’adage : « Pris est celui qui croyait prendre. » Lui, cependant, nie toute implication et dénonce une cabale orchestrée pour l’empêcher de réformer « une justice malade ».
Le temps de la vengeance ?
L’affaire a pris une tournure rapide et inattendue. Alors que d’autres ministres soupçonnés dans des dossiers similaires n’ont jamais été inquiétés, l’affaire Mutamba a, elle, pris une accélération soudaine.
Le Procureur général Firmin Mvonde a aussitôt saisi la Chambre basse pour demander la levée de ses immunités, prélude à de possibles poursuites judiciaires.
Pourquoi une telle célérité ? Pour certains analystes, cette rapidité s’apparente à un règlement de comptes. En novembre 2024, à la suite des révélations du média Africa Intelligence, Mutamba avait exigé des enquêtes sur l’acquisition d’un luxueux immeuble à Bruxelles par le même Firmin Mvonde, pour un montant de plus de 900 000 dollars.
Bien que l’affaire ait été vite étouffée, elle aurait gravement détérioré les relations entre le ministre de la Justice et le Procureur général.
Que Firmin Mvonde se montre aussi prompt à lancer une procédure contre Mutamba, alors que d’autres membres du gouvernement dans des cas tout aussi graves n’ont jamais été inquiétés, renforce l’idée d’un acte de vengeance. Le Procureur profiterait de la disgrâce du ministre pour sévir.
Judith Suminwa, elle aussi, n’aurait pas oublié l’affront public subi. Elle pourrait être tentée de le livrer à la justice pour laver l’affront. Comme le dit une maxime bien connue : « La vengeance est un plat qui se mange froid. » Et c’est peut-être bien ce que Suminwa et Mvonde sont en train de servir à Mutamba.
Mais ils ne sont pas les seuls. D’autres acteurs, souvent ciblés par les discours musclés du ministre de la Justice ou par ses actions spectaculaires, pourraient voir dans cette chute une revanche bienvenue. Le zèle réformateur et le populisme de Mutamba n’ont fait que multiplier les inimitiés. Aujourd’hui, ses adversaires semblent déterminés à le faire tomber, et à exposer ce qu’ils considèrent comme sa vraie nature.
Charles Mapinduzi