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Dialogue direct avec le M23 : Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de céder ?

Par Redaction Netic
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Un adage populaire africain dit que « l’homme ne tombe jamais comme un arbre ». Après des années d’hésitations, de contradictions et de revirements, le régime Tshisekedi semble désormais prêt à engager des discussions directes avec les responsables du M23.

À la suite de son séjour à Luanda mardi dernier, le président angolais João Lourenço, qui s’est proposé comme médiateur dans ce conflit, a annoncé que des négociations entre la RDC et les rebelles pourraient débuter le 18 mars prochain.

Pourtant, Kinshasa entretient toujours une posture ambiguë. Par la voix de Tina Salama, porte-parole de Félix Tshisekedi, le gouvernement congolais affirme avoir reçu l’invitation de l’Angola mais ne pas avoir encore donné son accord.

Cette déclaration a suscité de vives réactions. Un internaute congolais s’indigne :

« Ce régime prend-il les Congolais pour des idiots ? Comment imaginer que la médiation fixe une date sans consulter les deux parties ? Si l’Angola annonce ces pourparlers pour le 18 mars, cela signifie que des discussions en coulisses étaient déjà en cours. En se rendant à Luanda, Félix Tshisekedi a lui-même sollicité ces négociations. Que Kinshasa arrête de nous prendre pour des imbéciles ! »

Il rappelle que depuis plusieurs mois, la communauté internationale et des acteurs politiques congolais exhortent le gouvernement à ouvrir un dialogue direct avec le M23.

« Tina Salama affirme que Kinshasa n’a pas donné son accord, mais une délégation congolaise se rendra malgré tout en Angola. Pourquoi envoyer des représentants à une rencontre dont l’objet est précisément le dialogue avec le M23, alors que Félix Tshisekedi s’était toujours montré intransigeant sur ce point ? »

Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?

Sauf revirement de dernière minute, les deux parties devraient enfin se retrouver autour de la table des négociations afin de discuter du retour à la paix au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Mais une question demeure : pourquoi maintenant ?

Dès que le M23 s’était emparé de la cité de Bunagana, Vital Kamerhe, homme politique chevronné et originaire de l’Est, avait suggéré aux autorités d’engager des pourparlers avec les rebelles. D’autres analystes et observateurs avaient aussi plaidé pour cette approche bien avant la chute de Goma et Bukavu.

Cependant, Félix Tshisekedi s’était montré intraitable, déclarant qu’il ne parlerait « jamais, même dans ses rêves les plus fous, avec ces rigolos et pantins ».

Après la prise de Goma par les rebelles, le chef de l’État avait promis une contre-offensive foudroyante qui n’a jamais eu lieu. Peu après, Bukavu tombait également sous le contrôle du M23. Malgré cela, Tshisekedi continuait à exclure toute négociation.

Or, face à l’impasse militaire et à l’échec des démarches diplomatiques, de nombreux observateurs estimaient qu’un dialogue devenait inévitable afin d’éviter davantage d’effusion de sang.

Entre-temps, la situation sur le terrain n’a cessé de se détériorer : des milliers de civils ont péri dans les affrontements à Lubero, Rutshuru, Masisi, Nyiragongo, Walikale, Saké et Goma, où plus de 3 000 personnes ont été tuées en seulement trois jours, selon l’ONU. Le Sud-Kivu a également enregistré de nombreuses victimes.

Sur le plan territorial, la RDC a perdu de vastes zones désormais sous contrôle rebelle, rendant toute reconquête militaire extrêmement difficile. L’armée congolaise a subi de lourdes pertes humaines, tandis que les rebelles se sont emparés d’un arsenal impressionnant, notamment après la chute de Goma.

Politiquement, Kinshasa a longtemps tenu un discours intransigeant, qualifiant le M23 de mouvement terroriste et excluant toute négociation. Les partisans du régime ont adopté cette rhétorique, martelant que jamais la RDC ne dialoguerait avec ces rebelles.

Un revirement imposé par la réalité du terrain ?

Pourquoi, alors, ce changement de cap soudain ? Plusieurs éléments permettent d’expliquer cette volte-face.

1. Une armée en difficulté face à une force organisée

Depuis plusieurs années, l’armée congolaise (FARDC) fait face à des difficultés structurelles : logistique défaillante, corruption interne, manque de formation et d’équipements adaptés. Face à une rébellion bien armée et soutenue logistiquement par le Rwanda, selon plusieurs rapports de l’ONU, les FARDC ont montré leurs limites. L’espoir d’une victoire militaire s’est estompé, rendant le dialogue inévitable.

2. Une pression diplomatique croissante

Si Kinshasa a longtemps affiché son refus du dialogue, la pression des partenaires régionaux et internationaux a fini par peser. L’Angola, qui joue un rôle clé dans la médiation régionale, a intensifié ses efforts pour ramener la RDC et le M23 à la table des négociations. D’autres acteurs influents, comme les États-Unis et la France, ont également plaidé pour une solution diplomatique.

3. Une crise humanitaire alarmante

Les violences ont provoqué un déplacement massif des populations. Selon les Nations Unies, des centaines de milliers de Congolais ont fui les zones de conflit, aggravant une situation humanitaire déjà désastreuse. L’urgence de mettre fin aux hostilités est devenue un impératif moral et politique.

4. Une année électorale sous tension

Si le gouvernement Tshisekedi s’est montré rigide jusqu’ici, les réalités politiques internes ont également pesé. À l’approche des échéances électorales, maintenir une posture inflexible face à un conflit aussi meurtrier aurait pu nuire à l’image du pouvoir en place. Accepter le dialogue, même tardivement, permet à Tshisekedi de se repositionner sur la scène nationale et internationale.

Si l’ouverture des pourparlers est un tournant, leur issue reste incertaine. Le M23 exige notamment une amnistie pour ses membres et une intégration dans l’armée congolaise, des points sensibles qui pourraient diviser l’opinion publique et la classe politique.

Kinshasa se retrouve ainsi dans une posture délicate : négocier sans perdre la face, tout en trouvant une solution acceptable pour les populations meurtries par des années de conflit.

L’histoire jugera si cette décision tardive était la meilleure. Mais une chose est sûre : après des années d’intransigeance, la réalité du terrain a imposé sa loi.

Kilemasi Muhindo

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