La rencontre inattendue entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, sous l’égide de l’émir du Qatar, Sheikh Tamin bin Hamad Al Thani, le mardi 18 mars dernier à Doha, a provoqué une onde de choc dans les milieux diplomatiques et politiques. Alors que les tensions entre Kinshasa et Kigali étaient à leur paroxysme, cet entretien entre les deux chefs d’État a surpris plus d’un observateur, remettant en question les certitudes sur l’avenir du conflit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Tshisekedi, un stratège face au M23 ?

Pour les partisans du président congolais, cette rencontre constitue une manœuvre stratégique visant à court-circuiter les plans du M23 et à isoler la rébellion de son supposé soutien rwandais. Certains affirment que le mouvement rebelle se retrouve désormais sans repères, pris au dépourvu par ce rapprochement entre Kinshasa et Kigali.

« Le président Tshisekedi reste fidèle à sa position : il ne négociera pas avec des intermédiaires sans réel pouvoir mais directement avec le véritable commanditaire du M23, Paul Kagame », affirme Honoré Mvula, cadre de l’UDPS.

Me Serge M. abonde dans le même sens :

« Les choses bougent. La rencontre entre les deux présidents aura des retombées concrètes sur le terrain. Il est de notoriété publique que Kagame est le parrain du M23. Il a accepté l’arrêt immédiat des hostilités et le cessez-le-feu devant le Qatar, un acteur clé qui subit les conséquences de la mésentente entre la RDC et le Rwanda. Tous ont intérêt à ce que la guerre cesse. »

Dans ce contexte, les partisans de Tshisekedi estiment que la fin du conflit est imminente. Selon eux, le Rwanda, sous la pression des sanctions européennes et des injonctions du Qatar, pourrait être contraint d’ordonner le retrait de ses troupes du territoire congolais.

Quel avenir pour le M23 ?

Toutefois, de nombreux analystes appellent à la prudence, rappelant que ce n’est pas la première fois que Tshisekedi et Kagame se rencontrent pour discuter du conflit. Des précédents sommets, à Luanda ou encore sous l’égide d’Emmanuel Macron aux États-Unis, n’ont pas empêché le M23 de poursuivre son avancée militaire, consolidant même ses positions dans le Nord-Kivu.

Deux hypothèses sont dès lors envisagées : soit Paul Kagame a, une fois de plus, feint la conciliation pour mieux gérer la crise, soit le M23 a acquis une autonomie suffisante pour poursuivre son combat indépendamment du soutien rwandais.

Si le régime de Kigali entretient des relations privilégiées avec l’émir qatari, il reste prématuré d’affirmer que la rébellion a été décapitée ou abandonnée. D’ailleurs, à chaque annonce de cessez-le-feu entre Kinshasa et Kigali, le M23 a systématiquement déclaré ne pas se sentir concerné par ces engagements.

Ainsi, malgré la rencontre de Doha, il n’est pas exclu que le M23 poursuive ses offensives, à moins que, dans les coulisses, Félix Tshisekedi et Paul Kagame aient conclu un accord secret pour mettre un terme aux hostilités.

Kilemasi Muhindo