La République démocratique du Congo se trouve à un tournant décisif. Sur le plan sécuritaire, les signaux sont au rouge. Le M23, groupe armé soutenu par Kigali, poursuit son avancée déstabilisatrice dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, dans l’Est du pays.
La récente chute de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, a marqué une escalade inquiétante. La semaine dernière, des colonnes des forces spéciales rwandaises ont pénétré le territoire congolais en soutien aux assaillants. Des exactions graves, assimilables à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, ont été recensées lors de cette intervention de la Rwanda Defence Force (RDF).
Dans sa quête d’expansion en RDC, le régime de Kigali appuie également les rebelles pour la conquête de nouvelles localités dans le Sud-Kivu. Toutefois, le week-end dernier, les troupes gouvernementales ont réussi à reconquérir plusieurs villages dans le territoire de Kalehe.
Unir la nation dans un front commun
Face aux velléités expansionnistes du Rwanda, la RDC doit faire bloc autour d’une lutte commune contre le M23. Cependant, les divisions politiques internes fragilisent cette unité nécessaire.
Depuis la rupture de l’alliance FCC-CACH, Joseph Kabila et Félix Tshisekedi ne se sont plus rencontrés, alors que l’expérience de l’ancien président pourrait être précieuse dans cette crise. Par ailleurs, après la dernière campagne électorale, un profond fossé s’est creusé entre l’actuel chef de l’État et Moïse Katumbi, conséquence des attaques verbales ayant accentué la fracture politique.
De son côté, Martin Fayulu n’a jamais digéré son échec à la présidentielle de décembre 2018, qu’il affirme avoir remportée avec plus de 60 % des voix. À ses yeux, Félix Tshisekedi est l’homme qui lui a « volé » la victoire grâce à une fraude orchestrée avec la complicité du régime sortant.
D’autres figures de l’opposition, telles que Delly Sesanga, Seth Kikuni, Matata Ponyo, Jean-Marc Kabund et Claudel Lubaya, restent également méfiantes vis-à-vis du pouvoir en place, dénonçant son incompétence, son amateurisme et son clientélisme.
En outre, Félix Tshisekedi a creusé un fossé avec l’Église catholique. Récemment, il a qualifié les évêques de « sorciers en soutane » après leurs critiques sur la gestion du pays, notamment sur le dossier sécuritaire.
L’urgence d’un dialogue national
Face à l’avancée du M23 et aux risques de déstabilisation, Félix Tshisekedi doit assumer son rôle de rassembleur. Accusé d’avoir semé la division au sein de la classe politique par des déclarations incendiaires, le chef de l’État doit mettre son ego de côté et affronter la réalité.
Si le M23 continue d’avancer, il doit être confronté à une nation unie autour d’une lutte commune, à l’image du front ukrainien face à la Russie. Une nation divisée ne saurait résister à une guerre alimentée par des États régionaux et des puissances étrangères.
En tant que président, Félix Tshisekedi doit s’assurer que toutes les forces vives du pays, y compris les prélats catholiques qu’il a vivement critiqués, se rangent derrière les institutions établies. D’où l’impératif d’un dialogue national réunissant les principaux acteurs politiques et sociaux afin de constituer un front anti-Kigali.
Félix Tshisekedi, un homme de confiance ?
Toutefois, pour que cette initiative porte ses fruits, le président congolais doit rassurer ses interlocuteurs. Nombre d’entre eux lui reprochent son manque de respect des engagements pris, son autoritarisme, ainsi que son mépris des propositions venant de l’opposition.
Bien qu’il ait récemment appelé à l’union après la chute de Goma, Félix Tshisekedi reste marqué par des précédents qui fragilisent sa crédibilité. Ses anciens alliés rappellent notamment son revirement sur l’accord de Genève en 2018 et sa rupture avec Joseph Kabila au sein de la coalition FCC-CACH.
Par ailleurs, des cadres de l’UNC évoquent l’accord de Nairobi, qui prévoyait que Vital Kamerhe serait le candidat de la coalition en 2023. D’autres estiment que la guerre actuelle résulte du non-respect des engagements pris avec Paul Kagame lors de la période de rapprochement entre 2019 et 2021.
Si Félix Tshisekedi veut mobiliser la nation contre la menace du M23, il doit envoyer des signaux d’apaisement, cesser les attaques verbales contre ses opposants et œuvrer à une véritable unité nationale. Seule une RDC unie pourra espérer repousser la menace qui pèse sur son intégrité territoriale.
La Rédaction