L’aéroport international de la Luano, principal hub aérien du Haut-Katanga, est au cœur d’un vaste scandale foncier. Depuis plusieurs années, des constructions anarchiques grignotent progressivement l’espace réservé aux infrastructures aéroportuaires. Entre ventes suspectes, démolitions sélectives et absence de sanctions contre les véritables responsables, la situation prend des allures d’un feuilleton interminable.
Malgré les interventions des autorités provinciales et nationales, le phénomène persiste, alimenté par des complicités à plusieurs niveaux. Qui orchestre réellement cette spoliation ? Pourquoi les décisions prises pour protéger cet espace stratégique peinent-elles à être appliquées ?
Un village historique en ligne de mire
Le quartier Kanamba, situé à proximité de la Régie des Voies Aériennes (RVA), est particulièrement touché. Ses habitants, qui revendiquent une présence antérieure à celle de l’aéroport, dénoncent une tentative d’expulsion abusive orchestrée par des acteurs influents.
« Kanamba existe depuis 1958, bien avant l’implantation de la RVA. Aujourd’hui, une entreprise étrangère, appuyée par des personnalités locales, veut dépasser les limites fixées par la RVA et nous chasser. Nous demandons l’intervention des autorités nationales ! » témoigne Pascal Mukwend, habitant du quartier.
Les habitants accusent notamment un certain Martin Renard, qui aurait sollicité le gouverneur du Haut-Katanga, Jacques Kyabula, et le général Eddy Kapend pour faire démolir leurs habitations. Face à la gravité de la situation, le gouverneur Jacques Kyabula et le directeur général de la RVA, Léonard Ngoma Mbaki, ont effectué une descente sur le terrain. Le constat est alarmant : plus de 20 kilomètres de l’emprise aéroportuaire sont occupés illégalement.
Des démolitions ont été annoncées, mais la population dénonce un traitement à double vitesse. Certaines habitations sont détruites, alors que d’autres, souvent construites par des acteurs influents, restent intactes.
« À chaque intervention du gouvernement, seules les maisons des plus faibles sont rasées. Mais les grandes constructions, appartenant à des étrangers ou à des proches du pouvoir, restent debout », confie un cadre du cadastre sous anonymat.
Une mafia foncière au cœur du scandale
Selon plusieurs sources concordantes, la vente illégale de parcelles sur le site de l’aéroport serait facilitée par des complicités au sein des administrations locales et nationales.
Un cadre de l’agence Congo Airways révèle :
« Ces terrains sont vendus par des autorités de haut niveau. Les acheteurs sont souvent des étrangers, qui arrivent avec des contrats déjà signés, ce qui rend toute contestation impossible. »
L’implication du cadastre provincial dans la délivrance de faux documents est également pointée du doigt.
« Ces occupations ne sont pas légales, mais certains agents du cadastre, en complicité avec des personnalités influentes, produisent de faux titres fonciers », ajoute un expert du secteur immobilier.
Un projet de modernisation menacé
Alors que l’État congolais ambitionne de moderniser l’aéroport de la Luano pour répondre aux normes de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), cette situation chaotique pourrait compromettre ces efforts. L’absence de couloirs de dégagement conformes aux exigences internationales pourrait entraîner des sanctions, voire l’interdiction d’exploitation de certaines compagnies aériennes.
Trois questions restent en suspens :
Qui sont les véritables instigateurs de ces ventes illégales ? Des personnalités influentes, notamment des acteurs politiques et des cadres administratifs, seraient impliquées. Le rôle du cadastre provincial et de certaines autorités locales est particulièrement pointé du doigt.
Pourquoi les autorités locales peinent-elles à faire respecter la loi ? Le manque de volonté politique, la corruption et les complicités à plusieurs niveaux freinent l’application des décisions. Les mesures annoncées ne sont pas suivies d’actions concrètes contre les vrais responsables.
Quel impact cette situation aura-t-elle sur l’avenir de l’aéroport ? La spoliation met en péril le projet de modernisation de l’aéroport et pourrait entraîner des sanctions de l’OACI. À terme, certaines compagnies pourraient être contraintes de suspendre leurs opérations à Lubumbashi.
La ministre des Affaires foncières, Acacia Bandubola Mbongo, a récemment instruit les conservateurs des titres immobiliers de Lubumbashi de ne plus signer de contrats de concession sur l’espace de l’aéroport. Mais sur le terrain, les constructions continuent.
L’implication des autorités nationales est donc plus que jamais nécessaire pour stopper cette spoliation qui menace l’un des plus grands aéroports du pays.
Cedrick Katay Kalombo
Depuis Lubumbashi