Depuis une semaine, le M23 a pris le contrôle de la cité stratégique de Walikale centre, chef-lieu du territoire du même nom. Après la chute de Goma, la 34ᵉ région militaire des FARDC avait pourtant choisi d’y installer son quartier général afin d’anticiper toute avancée ennemie.
Cependant, la perte de Nyabiondo, dans le territoire de Masisi, a été un coup dur pour les forces loyalistes. Il n’a fallu que quelques jours après cette défaite pour que Walikale centre tombe à son tour entre les mains des assaillants.
Un point névralgique
La chute de Walikale marque un tournant décisif dans cette guerre. Pour de nombreux analystes, il ne fait aucun doute que les rebelles envisagent désormais de progresser vers la province de la Tshopo, avec pour objectif la prise de Kisangani.
Les autorités congolaises semblent avoir pris la mesure du danger. Dès le lendemain de la prise de Walikale, l’armée congolaise a déployé des avions de chasse Sukhoï ainsi que des drones militaires pour frapper l’aérodrome local et ralentir la progression des rebelles vers Lubutu.
Face à cette offensive, le M23 a annoncé unilatéralement un cessez-le-feu ainsi qu’un repositionnement à Walikale et dans ses environs. Toutefois, cette déclaration s’est révélée être une manœuvre visant à détourner l’attention et à éviter de nouvelles frappes des FARDC. L’objectif caché était sans doute de permettre à ses troupes de se reposer, de se réorganiser et d’accueillir des renforts en prévision des combats à venir.
En effet, le dimanche 23 mars, le M23 est revenu sur sa décision en annonçant la reprise des hostilités. Depuis, des renforts en hommes et en armement affluent via l’aérodrome de Kigoma. Selon plusieurs témoignages, un petit avion effectue de fréquentes navettes pour transporter des soldats et du matériel jusqu’à Walikale centre.
« Il y a des bourbiers à Mpofi qui rendent la progression difficile par voie terrestre. Le M23 exploite donc la piste aérienne pour se renforcer », explique un habitant de Walikale.
En parallèle, d’autres renforts en provenance de Masisi continuent d’arriver par la route.
Walikale centre, dernier verrou avant Kisangani ?
L’intensification des mouvements rebelles à Walikale n’est certainement pas anodine. L’entité joue un rôle de carrefour entre plusieurs provinces stratégiques : le Sud-Kivu, déjà en partie sous contrôle des assaillants, le Maniema, et surtout la Tshopo. Aujourd’hui, le M23 se trouve à environ 400 km de Kisangani, capitale provinciale de la Tshopo.
Sur cette route, la résistance pourrait être limitée en raison de la densité forestière, ce qui favoriserait une progression rapide des rebelles. En se renforçant à Walikale, le M23 prépare sans doute une bataille décisive pour la prise de Kisangani.
Or, la chute de Kisangani représenterait un basculement majeur dans le conflit. Comme à l’époque du régime de Mobutu, cette ville martyre revêt une importance stratégique capitale. Son positionnement sur le fleuve Congo en fait une porte d’entrée vers l’intérieur du pays.
Conscient de la gravité de la situation, l’état-major des FARDC a multiplié les déplacements. Le chef d’état-major général s’est rendu à Kisangani pour évaluer la situation, tandis que le général Ychaligonza Nduru, chef d’état-major général adjoint chargé des opérations, s’est déplacé à Bunia (Ituri), d’où partent plusieurs renforts destinés à renforcer le front de Walikale.
À ce stade du conflit, il est clair que les deux camps se préparent pour une bataille aux enjeux majeurs. Kinshasa doit redoubler d’efforts pour empêcher la chute de Kisangani face aux ambitions expansionnistes du régime de Kigali. Car si la ville venait à tomber, le pays pourrait plonger dans une crise sans précédent.
Kilemasi Muhindo